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Frédéric Brun : entre écriture et art de vivre

Il est toujours intéressant de rencontrer des personnes qui nous parlent du regard qu’ils portent sur la mode. C’est dans cette optique que nous avons eu le plaisir de poser quelques questions à Frédéric Brun.

Journaliste pour de nombreux magazines ( Le Figaro, Monsieur, Montres Magazine, Les Rhabilleurs…), auteur de livres (Les James Bond Girls, Cary Grant, Aston Martin : un art de vivre…) et également directeur général du pôle luxe et art de vivre du groupe Pelham Media, c’est avec une grande passion qu’il nous a parlé de son intérêt pour l’horlogerie, de son goût affirmé pour le tailoring et de sa vision du métier d’écrivain.

S’il existe des aventuriers de la mode, ceux qui cassent les codes pour innover, il existe également des gardiens de la tradition et du savoir-faire à l’instar de Frédéric Brun. Pour lui la nouveauté ne doit pas empêcher la tradition et l’élégance doit être un art de vivre.

Frédéric Brun portrait
Crédit photo : Nicolas Amsellem

Partons à la rencontre de cet amoureux des mots que nous remercions pour sa bienveillance et le temps qu’il nous a consacré. 


La première personne à laquelle vous pensez quand on parle d’élégance 

La première personne à laquelle je pense est Charles, prince de Galles, non seulement pour son style et la facilité naturelle qu’il a d’être lui-même en toutes circonstances, de ne jamais déroger à son statut et habitant ses vêtements de sa propre personnalité, mais aussi pour sa véritable élégance – souvent moins connue– celle du coeur et de l’esprit, avec beaucoup de bienveillance et d’humour.

La première montre qui vous a marqué 

Une Reverso de Jaeger-LeCoultre. Amateur d’objets à systèmes d’une part, et du style Art Déco d’autre part, elle avait immédiatement tout pour me plaire. J’étais adolescent, j’ai immédiatement été captivé, fasciné par cet objet mobile, subtil, amusant. 

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Si vous ne deviez donner qu’un seul conseil de mode masculine, cela serait…

Ce serait de se vêtir en fonction de soi, c’est-à-dire, en premier lieu, au regard de sa morphologie. Toutes les coupes ne vont pas sur tous les corps. Désormais, le prêt-à-porter offre une palette très large de coupes, de styles, de finitions, de matières. Il est possible d’être très agréablement vêtu facilement, et à portée de sa bourse.

Mais encore faut-il déjouer les chausses-trappes de la mode immédiate, et ses manies. Les pantalons fuselés et resserrés à la cheville ne conviennent pas à toutes les jambes ni à toutes les silhouettes, les vestes étriquées aux revers maigres et aux basques courtes ne conviennent pas à toutes les statures. Se vêtir en fonction de soi, c’est aussi tenir compte de l’usage que l’on aura du vêtement.

Bien entendu, l’adage du tailleur Chevreuil est connu : ” un habit, c’est une idée qui flotte autour du corps d’un homme”. Il y a dans le vêtement une forme merveilleuse de projection et d’imaginaire, puisqu’il est aussi parure ou panoplie. Néanmoins, le vêtement a aussi une fonction pratique.

L’élégance consiste à se sentir à son aise dans l’activité que l’on pratique. Suer à grosse goutes une journée entière derrière son bureau dans un costume trois pièces en gros tweed lourd, même s’il est coupé par un maître tailleur faisant autorité en matière de grande mesure, n’est pas forcément un gage d’élégance, à mon sens.

Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il faille se travestir. Rien n’empêche de pratiquer son sport favori en veston et cravate si le coeur vous en dit, le tout étant d’être parfaitement à son aise, que tout soit naturel et aille avec l’ensemble de la personnalité et du comportement. Sinon, ce n’est qu’un déguisement. Enfin, un petit conseil pratique peut-être? Celui que me donnait mon grand-père : une fois habiller, passer devant le miroir et… enlever quelque chose!

Un film dont les costumes vous ont marqué

Récemment, pour ne pas citer toutes les références classiques du genre (bien entendu, comme beaucoup, je me délecte à loisir de nombre de films anciens aux garde robes agréables. A la volée: La mort aux trousses, Le crime était presque parfait, Noyade interdite, Lawrence d’Arabie, La victime, La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman (Triple Cross), L’affaire Thomas Crown, Gatsby, Le limier, La femme de paille, Masques, etc…) est Phantom Thread, un très beau film avec l’époustouflant Daniel Day-Lewis, réalisé par Paul Thomas Anderson.

Phantom Thread film
Phantom Thread (2017) – Paul Thomas Anderson 

L’acteur a lui-même choisi des étoffes anciennes et s’est particulièrement documenté pour reconstituer, avec l’aide des tailleurs de Anderson & Sheppard, et les maîtres bottiers de chez George Cleverley, une garde robe allant parfaitement avec les traits physiques et psychologiques de son personnage, un couturier, dans lequel il n’est pas interdit de retrouver des traits de Hardy Amies, Cristobal Balenciaga ou Digby Morton. 


La liste de mes acteurs favoris n’est pas un mystère : Philippe Noiret, Roger Moore, Patrick McGoohan, Cary Grant, David Niven, Jack Hawkins, Fred Astaire, Michael Caine, Laurence Olivier, John Gielgud, Ralph Richardson, Trevor Howard, Peter Ustinov, Dirk Bogarde, Edward Fox, Kenneth More …


Une mention particulière pour un film très intéressant (mais un peu négligé) avec Roger Moore : La seconde mort d’Harold Pelham (The Man Who Haunted Himself, réalisé par Basil Dearden en 1970) dont le thème principal est la schizophrénie. Les vêtements, bien choisis, y sont des marqueurs du dédoublement de personnalité du personnage principal. Si je peux encore ajouter un mot, je soulignerai le chic merveilleux à mes yeux d’un très grand acteur: Anthony Quayle. Notamment dans le beau film L’Incompris, de Luigi Comencini, mais globalement dans bien des rôles. Comme beaucoup d’acteurs de cette époque, il tournait avec ses propres vêtements. Des pièces merveilleusement coupées et dans lesquelles il est à son aise, très naturel, avec beaucoup d’allure et de maintien. 

Le souvenir le plus marquant de votre carrière journalistique

Une question difficile car ils sont nombreux.

C’est un métier d’enfants gâtés. Pour peu que l’on soit un peu curieux de nature, c’est comme être un cambrioleur auquel serait donné un passe-partout pour toutes les serrures, car le journalisme offre la possibilité d’entrouvrir toutes les portes, de rencontrer toute personne, de découvrir tout métier.

Pour ne choisir qu’un souvenir, je me rappellerai une rencontre avec le créateur Jean-Charles de Castelbajac. L’entretient ne devait pas dépasser la demi-heure et nous avons discuté, à bâtons rompus, durant plusieurs heures, à son domicile où il m’a reçu avec générosité et courtoisie.

La conversation a roulée sur mille sujets, et j’ai été captivé par la personnalité de Jean-Charles de Castelbajac, ses références historiques et culturelles très profondes, sa maîtrise complète des savoir-faire, des techniques, de la fabrication, des implications économiques, que ce soit de la mode ou de l’art, alimentant une vision très moderne et moderniste mais pas inutilement “branchée”. Un régal. Un moment rare. 

Ce qu’il ne faut pas faire selon vous pour réussir en tant qu’auteur

Ecouter ceux qui vous disent ce qu’il ne faudrait censément pas faire.

Frédéric Brun portrait
Crédit photo : Nicolas Amsellem