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Pierre Cardin : le businessman du monde de la mode

Le 29 décembre 2020, nous apprenions avec tristesse que Monsieur Pierre Cardin nous avait quitté à l’âge de 98 ans. Personnalité incontournable du milieu de la mode depuis plus d’un demi-siècle, il faisait partie des Français les plus connus au monde. Une belle et longue carrière qui se résumerait en trois mots : talent, audace et persévérance. 

Il était une fois

Pierre Cardin, de son vrai nom Pietro Costante Cardin, est né le 2 juillet 1922 en Italie. C’est dans un contexte marqué par l’arrivée en politique de Mussolini et par la montée en puissance du régime fasciste que la famille Cardin (nombreuse, puisque Pierre Cardin est le cadet de dix enfants) quitte l’Italie et s’installe en France, à Saint- Etienne en 1930. 
En 1936, alors âgé de 14 ans, il commence son apprentissage chez un tailleur pour homme à Saint-Etienne.

Pour la petite histoire, ce n’est pas un poste de couture qu’il occupe en premier lieu mais celui de comptable. Un intérêt pour les chiffres qui lui restera toute sa vie, et fera de lui un homme d’affaire hors pair. Cependant la comptabilité ne dure qu’un temps, l’envie de se rapprocher de la création étant plus forte. Il devient alors coupeur chez ce même tailleur. 

Les débuts de sa carrière 

Désireux de se lancer pleinement dans le monde de la couture, il part à Paris au milieu des années 40. A son arrivée, il travaille pour la maison Paquin. Cet emploi lui offre sa première belle opportunité en 1946 : il est employé pour la réalisation des costumes et des masques sur le célèbre film La Belle et la Bête de Jean Cocteau.

La même année, il devient premier tailleur de la maison Dior. Pierre Cardin participe à l’ascension de la marque avec  la création dans les années 50 d’une pièce et d’un style emblématique de la maison : le tailleur Bar et le style New Look, caractéristiques de Dior. 

Son aventure en solitaire commence en 1950. Il rachète la maison Pascaud spécialisée dans les costumes de scène. Le rachat de cette société marque également l’ouverture de sa propre maison de couture. Soucieux de maintenir le lien avec « ses premiers amours », il continue l’activité de création de costumes scéniques en plus de la haute couture. 
Son premier défilé a lieu en 1953. Les pièces présentées témoignent d’une maîtrise parfaite de ce qu’on appelle « le tayloring », à savoir l’art du tailleur et la maîtrise de la coupe. Rien d’anodin puisque, rappelons-le, Pierre Cardin a débuté sa carrière dans des ateliers de tailleurs.

La première consécration de la maison Cardin a lieu en 1957 : il devient membre de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. Les portes de la Haute Couture Française lui sont désormais ouvertes.

L’avènement du prêt-à-porter

Les années 50 marquent un tournant important dans l’histoire de la mode et de la consommation du textile. L’incroyable développement du prêt-à-porter (qui avait déjà commencé à faire parler de lui au début du 20e siècle au Bon Marché) est un sujet qui divise les acteurs de la mode. Alors que grand nombre de couturiers le considère d’un mauvais oeil, Pierre Cardin y voit une opportunité de toucher un public plus large. 
Il ouvre deux boutiques : Eve en 1954 suivie d’Adam en 1957.

Alors que le monde de la mode est choqué de voir une maison de Haute Couture vendre une mode accessible au grand public, monsieur Cardin va encore plus loin : il crée en 1959 une collection de prêt-à-porter haut de gamme qu’il présente dans le grand magasin Le Printemps. Il s’agit du premier défilé de prêt-à-porter inspiré de la Haute Couture. 

L’expérience a été un grand succès, à tel point que nombreuses sont les marques qui marchèrent dans les pas de Pierre Cardin dans les années 60 : Christian Dior avec sa ligne Miss Dior ou Yves Saint Laurent avec Rive Gauche

Une stratégie commerciale inédite

En 1958, Pierre Cardin va faire quelque chose qui n’avait encore jamais été fait.  Alors qu’il vient de créer sa ligne pour homme, il décide d’innover et de faire défiler des mannequins hommes. 

Le succès est à nouveau au rendez-vous. Alors que jusqu’à présent l’esthétisme comptait plus que tout, il y intègre un nouveau critère : le confort. En 1961, il tente une nouvelle expérience et réalise une collection pour Le Printemps, commercialisée sous le nom du grand magasin. Si cette collaboration est un échec financier, c’est cependant un tremplin pour Pierre Cardin : la presse a beaucoup parlé de cette nouvelle gamme, rendant le couturier célèbre auprès du grand public. 

Alors que ses confrères de la Haute Couture le tiennent de plus en plus à l’écart, n’appréciant pas sa façon de faire et l’image qu’il renvoie de leur milieu, son audace et son style lui offre une renommée internationale. 

L’opposition entre les ventes importantes des produits Pierre Cardin et l’échec de sa collection anonyme pour Le Printemps, amène le couturier au constat suivant : son nom fait vendre. Et il n’est pas le seul à en tirer cette conclusion puisque de nombreux grands magasins vont lui proposer de vendre ses produits dans des corners et de réaliser des produits sous licence.

Prenant de plus en plus son indépendance quant à la direction de sa maison, Pierre Cardin ne se sent plus en adéquation avec la Chambre Syndicale de la Couture dont il démissionne en 1966.

Au début des années 80, le nombre de ses licences est estimé à environ 500 pour atteindre un chiffre aux alentours des 700 au plus haut, ce qui fait de la licence Pierre Cardin la plus importante en terme de quantité au monde. 

Pierre Cardin avec les produits des licences Cardin et Maxim’s

Une belle carrière récompensée 

L’audace et la persévérance paient, en témoignent les nombreuses récompenses que Pierre Cardin a reçues tout au long de sa carrière. A son actif, pas moins d’une centaine de grand prix internationaux, aussi bien dans la mode que dans le design ou les affaires. Entre autres, il a reçu par trois fois le Dé d’or de la Haute Couture (équivalent d’un Oscar dans le monde de la mode) en 1977, 1979 et 1982. 

Habitué à être un précurseur, Pierre Cardin est le premier couturier élu à l’Académie des Beaux-Arts en 1992. Pour la petite histoire, chaque académicien reçoit une épée lors de son admission. Elle fait partie de la tenue cérémoniale, c’est l’élément personnel qui différencie chacun des académiciens. Pour l’occasion, le couturier a tenu à dessiner sa propre épée. 

En 2020, après le décès du graveur Pierre-Yves Trémois, il devient le doyen de l’Académie à l’âge de 97 ans.Depuis 1991, il était également ambassadeur honoraire de l’Unesco.La renommée et le prestige de la marque Cardin sont internationaux, les récompenses et médailles aussi. Chevalier de la Légion d’Honneur en 1996, il est aussi Grand Officier de l’Ordre du Mérite de la République Italienne. Il a également reçu des médailles de la  Russie, la Biélorussie, Monaco, l’ Ukraine ou encore du Japon. 

Créateur et homme d’affaires visionnaire, le milieu de la couture et des affaires doit beaucoup aux idées de Pierre Cardin qui a assurément marqué l’histoire de la mode et du costume.

Pierre Cardin et son épée d’académicien